Il y a cent ans jour pour jour, le Capitaine François-Jean PAOLI s’éteignait, laissant derrière lui l’œuvre de toute une vie. En hommage au fondateur de la Caisse Nationale du Gendarme, nous vous invitons à découvrir en vidéo comment il a su faire de l’accompagnement social des gendarmes et de leur famille un véritable acquis social.


Le Capitaine PAOLI, un poète au service de l’institution

Au-delà de son engagement en tant que gendarme, François-Jean PAOLI est un amoureux des lettres. Poète, il met en vers les valeurs de l’institution et parvient, grâce à ses œuvres, à constituer le tout premier fond de réserve de la Caisse du Gendarme. Parmi ses poèmes les plus marquants, Le Gendarme traduit à lui seul l’engagement des gendarmes, parfois au péril de leur vie :


Le Gendarme

Il est couché là-bas, dans le sombre chemin,
Entre ces deux rochers, les rênes dans la main,
Veillé par son cheval qui, douce et noble bête,
Tristement le regarde en inclinant la tête.

Son sein est déchiré, mais, d’un effort puissant,
De sa large blessure il arrête le sang.
Il est plus de minuit. On le prend. On l’emporte.
Sa femme et ses enfants l’attendent à la porte
De la caserne en deuil, et, se parlant tout bas,
Songeant à leur malheur, mais ils ne pleurent pas.
Ils ne pleurent pas ! car, écoutant sa grande âme,
Le fier soldat a dit aux enfants, à la femme
– Quand la famille gaie était tout à ses jeux –
D’être, à l’instar de lui, résignés, courageux.
« Les femmes et les fils de valeureux gendarmes,
Leur disait-il souvent, ne versent pas de larmes. »

Mais je suis convaincu que toi, subtil moqueur,
Tu ne le connais point cet homme au noble cœur !
Tu ne sais pas comment il peut mourir en route !
Non ! Eh bien, moi, je vais t’en dire un mot. Écoute :

L’autre jour, en jouant tout près de ce moulin,
Un ravissant enfant, un tout jeune orphelin,
Sans guide et sans parents, sans amis, sans chaumière,
Allait être englouti dans l’étroite rivière,
Quand, vite, ce soldat, sans songer au péril,
Sans se donner le temps de lâcher son fusil,
S’élance, vivement, dans l’eau froide et profonde
Et retire, vivant, le pauvre enfant de l’onde,
Puis, le sachant tout seul, il l’emporte chez lui,
Et comme un propre fils, il l’élève aujourd’hui.

Fort peu de temps après, un ouvrier modèle,
– Un de ces piocheurs qui bûchent à la chandelle,
Trouvant le jour trop court même en belle saison
Sa paie en son gousset, regagnait sa maison,
Quand, soudain, une voix – qu’un voleur seul envie
Lui crie, en s’approchant : « ou la bourse ou la vie,
Et bien vite, sinon ! … » Alors, les yeux hagards,
Il tourne la tête et … ciel ! … il voit deux poignards
Que deux bideux brigands lèvent sur sa poitrine.
Donner son argent ! … mais … c’est faire sa ruine !
Mais c’est priver de pain sa femme et ses petits !
Non ! … Il ne peut livrer ce pain aux deux bandits !
Or donc, il doit lutter … Il lutte … On le renverse.

Déjà la froide lame en s’abaissant traverse
Ses chairs… Il est perdu ! les brigands vont frapper
Encore ! … Ah ! L’on entend un cheval galoper !

C’est le sauveur qui vient ! C’est le brave gendarme
Qui, prompt comme l’éclair et brandissant son arme,
Court sus aux deux bandits ! Un combat est livré,
Les brigands sont vaincus, l’ouvrier délivré,
Mais le brave soldat est criblé de blessures.

A peine est-il guéri que, couvert de brûlures,
Il vient d’un incendie, et là, comme partout,
Il a sauvé gens, or, effets, en un mot, tout.

Mais sa vie étant tout héroïsme et prouesse
Si l’on veut la narrer, il faut parler sans cesse :
Lorsque viennent vers nous des chevaux très ardents,
L’élan vertigineux, l’œil vif, le mors aux dents,
Quand un fauve, en fureur, ravage la campagne,
Quand un fleuve déborde au bas de la montagne,
Quand un fléau paraît au bourg, à la villa,
Enfin, à tout péril, le bon gendarme est là.

Et oui ! quand un danger quelconque nous menace,
Ce soldat est toujours le premier sur la place,
Et toujours généreux, il s’expose à mourir,
Soit pour nous protéger, soit pour nous secourir,
Et quand la chère France, hélas ! fut envahie,
On le trouva partout sacrifiant sa vie !

A présent tu connais ce fidèle au drapeau, Railleur !
Donc, devant lui, retire ton chapeau !

Et maintenant, à toi, brave soldat : Pardonne,
Car si je parle ainsi de ton humble personne,
C’est qu’elle représente, en son humilité,
Le plus fort boulevard de la société ;
Et si j’exalte ainsi ton attitude franche,
C’est qu’un cœur noble bat sous l’aiguillette blanche
!

Réel représentant du glaive et de la loi,
Salut ! salut ! Tu plais, parce qu’on trouve, en toi,
En outre des vertus qui forment ton cortège,
Moins la loi qui punit que la loi qui protège.

Salut ! salut encor ! soldat probe et sans peur,
Toi qu’on trouve toujours brillant au champ d’honneur.

François-Jean PAOLI
Le Gendarme, Paris, 1884